Intermod story

La région du sud de la France, chacun le sait, est très
dynamique dans le domaine de la télévision amateur. Les
transpondeurs phonie VHF-UHF sont importants pour jouer le rôle
de voie de service ou bien encore pour permettre des échanges
techniques approfondis entre les nombreux adeptes de la télévision
d'amateur. C'est dans ce but que notre ami André, F4DVR, a mis
en place sur un point haut de l'Hérault le transpondeur F1ZSF
qui retransmet sur 430,975 MHz tout le trafic entendu sur 144,575 MHz,
et vice-versa. Cette installation permet des échanges phonie
de qualité sur tout le littoral méditerranéen compris
entre Marseille et Perpignan.
Les nombreux utilisateurs ont cependant vite découvert que le
trafic était régulièrement perturbé par
le relais RU5, situé à une centaine de mètres,
transmettant sur 430,125 MHz. Le transpondeur F1ZSF se mettait en fonctionnement
lors du fonctionnement du RU5, laissant entendre des tonalités
superposées aux messages du RU5. Tout ceci perturbait gravement
au niveau régional la fréquence 144,575 MHz utilisée
par ailleurs pour transmettre les ordres de télécommande
ATV. Bref, il était urgent de remédier à ce problème.
L'analyse de la perturbation
L'analyse
conduite par André, F5AD, a montré que la perturbation dont
était victime le transpondeur F1ZSF était le résultat
d'un produit d'intermodulation d'ordre 3 entre le signal puissant du relais
RU5 voisin et un signal émanant d'une station professionnelle automatique
lointaine fonctionnant sur 429,275 MHz. Le fonctionnement simultané
du RU5 et de cette station lointaine conduisait dans tous les cas à
la création d' un signal sur 430,975 MHz et au déclenchement
du transpondeur.
L'équation
de la perturbation d'intermodulation d'ordre 3 était dans notre
cas :
(430,125
x 2) - 429, 275 = 430,975 MHz
Ce qui peut s'illustrer de la manière graphique suivante
:

Le problème technique
à résoudre
Il est
à noter que le type de perturbation observé, dû à
un battement d'ordre 3, est particulièrement difficile à
éliminer. Le produit d'intermodulation est créé soit
dans l'amplificateur RF, soit dans le mélangeur du récepteur
lui-même. Les traditionnels filtres à lignes ou à
cavités disposés en standard sur les entrées des
récepteurs ne permettent pas en UHF de réjecter suffisamment
les signaux situés à moins de 3 ou 4 MHz pour éviter
ces difficultés.
Une amélioration est apportée dans les équipements
professionnels en ayant recours à un amplificateur RF linéaire
à gain modéré, suivi par un mélangeur équilibré
à point d'interception élevé nécessitant une
puissance d'OL respectable (+13 dBm, voire + 17 dBm ou même + 23
dBm). Dans le domaine professionnel les problèmes de ce type sont
au départ minimisés en regroupant les fréquences
d'émission dans une bande de fréquence donnée et
les fréquences de réception dans une autre bande séparée
de la première d'une valeur appelée écart duplex
(typiquement 4,6 MHz à 150 MHz et 10 MHz à 450 MHz). Les
problèmes résiduels sont ensuite résolus au cas par
cas.

Dans notre cas nous résoudrons le problème
au moyen d'un filtre réjecteur accordé sur 430,125 MHz (sortie
RU5) et faisant appel à une cavité à facteur de surtension
élevé.
Le transpondeur utilisé étant simplement un matériel
amateur commercial disposant de la fonctionnalité transposeur,
le comportement du filtre devra être satisfaisant aussi bien dans
la bande 430 MHz que dans la bande 144 MHz.
Réalisation du
filtre
La structure
retenue est de type réjectrice. Lors de la conception, puis de
la mise au point, on s'efforcera de modeler la courbe de réponse
pour obtenir un creux prononcé sur 430,125 MHz et un affaiblissement
minimum sur 430,975 MHz et sur 145 MHz. La longueur L de câble coaxial
50 ohms est critique. Elle doit être ajustée pour obtenir
la forme de réponse souhaitée.

La cavité employée est un modèle de
récupération 400 MHz de marque Kathrein.

La cavité ouverte, sa plaque de fond retirée
Le dispositif de couplage est très simple.
Le filtre réjecteur terminé :

Lecture : Un document particulièrement intéressant
rédigé par VE2AZX : ve2azx-duplexerinfo.pdf
Réglages
Le réglage
est dégrossi à l'aide d'un analyseur de spectre associé
à un générateur de poursuite : ici un antique analyseur
HP141T avec son tracking HP 8444A. La fréquence de résonance
est ajustée en modifiant la position du piston central de la cavité.
Ensuite la forme correcte de la courbe de réponse est modelée
en agissant sur la longueur L du câble coaxial et sur le condensateur
ajustable de 10 pF : maximum de transmission sur 430,975 MHz, minimum
sur 430,125 MHz.

hor : 500 kHz/div, vert : 10 dB/div
Lorsque l'allure de la courbe est satisfaisante, on affinera
le réglage de fréquence des extrema au moyen d'un générateur
RF synthétisé et d'une sonde RF à bolomètre.
En effet, le calage en fréquence doit être très précis
: un écart de 25 kHz est sensible, un écart de 100 kHz apporte
un affaiblissement inacceptable. Le transport du filtre peut altèrer
le calage en fréquence. Il est donc dans tous les souhaitable de
reprendre les réglages au moment de la mise en service sur site.
Performances obtenues
Les
mesures sont complétées pour apprécier la désadaptation
introduite par le filtre réjecteur. La perte d'insertion sur la
fréquence à privilégier 430,975 MHz est de 1,2 dB,
alors que l'affaiblissement sur 430,125 MHz est de 26 dB, et sur 429,275
MHz de 19,6 dB. Sur 144,600 MHz l'affaiblissement n'est que de 0,4 dB.
Le ROS introduit par le filtre est inférieur à 1,5 à
430,975 MHz et de 1,4 à 144,600 MHz.
Ces
résultats ne sont pas exceptionnels mais cependant suffisants pour
modifier sensiblement le comportement du récepteur dans son environnement
défavorable.
Après raccordement et mise en service du filtre les
problèmes d'intermodulation évoqués plus haut ont
totalement disparus.
Conclusion
La mise
en service de relais ou de transpondeurs, notamment en points hauts, peut
réserver des surprises. Lorsqu'on est victime de perturbations,
il faut conduire une analyse large, en effectuant tout d'abord l'inventaire
des signaux puissants reçus sur le site. Un filtre simple, fut-il
à lignes ou à cavité, n'est pas toujours suffisant
pour résoudre le problème et la mise en place d'une solution
"sur mesure" est quelque fois indispensable. Enfin il faut noter
que les récepteurs
professionnels ont souvent un meilleur comportement en présence
de signaux forts que les matériels amateurs davantage tournés
vers la recherche de la plus grande sensibilité.
Bon
trafic sur les relais et transpondeurs !