Modulateur QPSK simple
et économique
pour débuter en transmission de signaux de télévision
numérique amateur à la norme DVB-S

Les émissions de télévision numérique
commerciales à la norme DVB-S s'effectuent avec une modulation à
quatre états de phase désignée également par
l'abréviation QPSK (Quaternary Phase Shift Keying). Pour générer
au niveau amateur des signaux compatibles avec les démodulateurs
que l'on trouve à bas prix en grandes surfaces, il est nécessaire
de créer des signaux aux caractéristiques semblables. Bien
entendu, le but de ce modulateur n'est pas de rivaliser avec des ensembles
professionnels coûteux, mais de montrer qu'il est possible de réaliser
avec des moyens amateur modestes un modulateur simple et économique,
mais néanmoins parfaitement fonctionnel. Ce modulateur entre dans
la constitution d'un ensemble très simplifié de transmission
de signaux de télévision numérique amateur qui sera
décrit par ailleurs.
Pour rester dans une logique amateur, cette
réalisation est présentée sous une forme
didactique avec un rappel préalable de quelques notions
théoriques importantes et une explicitation des choix
effectués et de leurs conséquences. Néanmoins, le
lecteur pressé de construire ce modulateur pourra se rendre
directement à la partie "réalisation pratique" où
il trouvera schéma de principe et circuits imprimés.
Bonne lecture et bonne réalisation !
Rappel de
quelques notions théoriques importantes
En modulation QPSK, le
transport de l'information binaire s'effectue en modifiant la phase
d'un signal sinusoïdal, d'un angle de 0°, 90°, 180° ou
270°:

On représente
souvent un signal modulé QPSK par un diagramme polaire :

A chaque symbole transmis
correspond un état de phase choisi parmi quatre. Un symbole
représente donc deux bits, avec une correspondance telle que :
symbole
(message binaire élémentaire)
|
phase du signal
|
0 0
|
0°
|
0 1
|
90°
|
1 1
|
180°
|
1 0
|
270°
|
tableau de
correspondance symbole --> phase
La conséquence
importante de ceci est que, en modulation QPSK, le débit
binaire (exprimé en bit/s) est égal au double du
débit symboles (exprimé en Baud ou symbole/s).
On peut observer que
chaque fois que la phase est modifiée par le modulateur, une
discontinuité apparaît dans le signal modulé:

Les discontinuités
qui se succèdent ont bien sûr des conséquences
importantes sur le spectre du signal modulé:

le spectre en
présence d'un signal modulant aléatoire à 2,048
Mbit/s
Un tel signal à
spectre très large ne peut pour des raisons évidentes
être transmis par voie hertzienne. Un filtrage est donc
nécessaire. Cependant, les caractéristiques
fréquentielles et temporelles du filtre sont ici essentielles
pour permettre une démodulation correcte. La théorie nous
apprend que le filtrage global réalisé par
l'émetteur et le récepteur doit idéalement avoir
une réponse fréquentielle symétrique par rapport
à une fréquence pivot égale à la
moitié de la fréquence symbole. On emploie
généralement un filtre dit en "cosinus
surélevé". Un paramètre appelé coefficient
d'arrondi ou roll-off caractérise la rapidité de la
coupure autour de la fréquence pivot. Le filtrage est
habituellement réalisé pour moitié dans
l'émetteur et pour l'autre moitié dans le
récepteur. Le filtrage dans l'émetteur doit donc avoir
une réponse fréquentielle en "racine de cosinus
surélevé". Ce filtrage, appelé filtrage de
Nyquist, peut être réalisé, soit par un filtre
passe-bande au niveau du signal RF, soit par un filtre passe-bas au
niveau des signaux modulants I et Q. Dans le cas d'un filtrage
passe-bas, la courbe de réponse du filtre est la suivante:

en rouge le filtrage en cosinus
surélevé (global émission+réception) -
en violet le filtrage en racine de cosinus surélevé
(émission)
Lorsque la condition de
filtrage n'est pas bien remplie, que ce soit à l'émission
ou à la réception, il en résulte une
interférence intersymboles qui apporte un bruit
supplémentaire lors de la démodulation. Bien entendu,
l'importance relative de ce bruit est fonction du degré
d'imprécision du filtrage. Un filtrage numérique, tel
qu'il est pratiqué dans les émetteurs numériques
professionnels ou dans les récepteurs de
télévision numériques grand public approche de
très près la courbe idéale. Ce résultat est
beaucoup plus difficile à atteindre avec des composants
traditionnels (inductances, capacités). Dans une
réalisation simplifiée, il faudra nécessairement
gèrer un compromis entre spectre du signal de sortie,
interférence intersymboles, et simplicité du filtre.
Réalisation
de la fonction modulation QPSK
Un modulateur QPSK peut
être construit, soit au moyen de circuits intégrés
spécialisés - certains permettent de réaliser
directement cette modulation à 1,2 GHz voire même à
2,3 GHz -, soit de manière plus traditionnelle à
fréquence basse au moyen d'un assemblage faisant intervenir un
déphaseur de 90°, deux mélangeurs
équilibrés et un sommateur. C'est cette manière
simple et didactique que nous utiliserons, même si elle oblige
ensuite à transposer le signal à la fréquence de
travail choisie.

synoptique d'un
modulateur QPSK
Le signal RF issu d'un
oscillateur attaque les entrées LO des deux mélangeurs
équilibrés, la voie Q étant déphasée
de 90° au moyen d'un circuit déphaseur. Les signaux issus
des ports de sortie des mélangeurs sont recombinés au
moyen d'un sommateur à résistances. Les signaux binaires
modulants I et Q sont appliqués sur les entrées IF des
mélangeurs.
Réalisation
pratique du modulateur QPSK
Un modulateur QPSK a
déjà fait l'objet d'une précédente
description sur ce site. Il a permis de réaliser
d'intéressants essais de télévision
numérique à la norme DVB-S. Une nouvelle
réalisation est proposée avec un certain nombre
d'améliorations rendant ses performances meilleures et sa
construction, son réglage et son utilisation plus faciles :
- fréquence de sortie de 70 MHz, normalisée
sur de nombreux équipements professionnels
- entrées I et Q sur circuits logiques assurant une remise en
forme des signaux modulants
- élimination du neutrodynage. Un soin dans la
réalisation permet d'obtenir plus de 35 dB de réjection
de porteuse
- filtres de Nyquist du cinquième ordre conduisant à un
spectre de sortie plus propre
- présence de deux entrées auxiliaires I* et Q* pour une
expérimentation de réduction de l'interférence
intersymboles par une prédistorsion des signaux I et Q
Le débit binaire de sortie est quant
à lui maintenu à 2,048 Mbit/s, soit un débit
symbole QPSK de 1,024 MBaud (ou 1,024 MS/s).
Discussion sur le
schéma électrique
Un oscillateur de type "informatique" délivre un signal
à 70 MHz qui est amplifié et isolé au moyen d'un
amplificateur monolithique de type MAV-11. Ce circuit permet d'obtenir
deux signaux LO d'amplitudes convenables malgré
l'affaiblissement par les circuits déphaseurs. Le signal est
ensuite transmis aux deux mélangeurs I et Q à travers
deux résistances d'équilibrage des voies et de cellules
déphasant le signal de + 45° pour la voie I et de - 45°
pour la voie Q. Les condensateurs ajustables CA1 et CA2 permettent
d'ajuster très précisément le déphasage
introduit entre les signaux LO qui doivent être rigoureusement en
quadrature et avoir la même amplitude. Une modèlisation
à l'aide du logiciel Ansoft
Designer (version étudiant, disponible gratuitement en
téléchargement) a permis de déterminer les valeurs
correctes des composants :
(à gauche le schéma des déphaseurs, au
centre la variation d'amplitude en fonction de la fréquence,
à droite la variation de phase)
Les signaux issus des deux mélangeurs sont ensuite
additionnés grâce à deux simples résistances
avant d'être amplifiés par l'amplificateur de sortie
équipé d'un circuit MAR-6 ou MAV-6.
Les mélangeurs équilibrés sont des
modèles SRA-1 de Minicircuits. Attention, ne pas utiliser
les variantes SRA-1H ou SRA-1W dont les brochages sont
légèrement différents (les points milieux des
transformateurs ne sont pas accessibles indépendamment). Un
circuit Texas Instruments de masse virtuelle TLE2426 délivre une
demi-tension d'alimentation de 2,50 V sous une très faible
impédance. Contrairement à ce qui est obtenu avec des
régulateurs traditionnels, cette tension sera maintenue
constante en condition de fourniture ou d'absorption de courant par le
montage. Ce circuit est disponible dans le commerce de détail.
Le fait d'appliquer une demi-tension d'alimentation sur l'entrée
IF des mélangeurs permet d'assurer la commande au moyen de
niveaux de tensions issus de circuits logiques HCMOS standards.
Les signaux modulants I et Q sont mis en forme par un circuit
logique 74HC244 (octal 3-state buffer), puis filtrés par deux
filtres LC avant d'être présentés sur les
entrées IF des mélangeurs. Sous une apparente
simplicité de réalisation, la problématique des
filtres de Nyquist est difficile et les choix effectués à
ce niveau conditionnent directement le résultat d'ensemble. Les
filtres idéaux en racine de cosinus surélevé sont
complexes à réaliser avec des éléments
discrets et au bout du compte peu performants en termes de raideur de
filtrage. Après divers essais, une structure de type Butterworth
du 5ème ordre, s'est révélée un compromis
acceptable entre qualité spectrale, interférence
intersymboles et simplicité de réalisation.
L'impédance itérative des filtres est fixée
à 100 ohms. L'interférence intersymboles est
minimisée en ajustant la fréquence de coupure du filtre
pour une réponse indicielle optimale. Ce résultat est
obtenu grâce à une modèlisation effectuée
avec le logiciel CircuitMaker,
version étudiant téléchargeable gratuitement.

réponse indicielle du filtre retenu
Lorsqu'on applique un échelon à l'entrée du
filtre et que l'on examine l'amplitude toute les 977 ns (période
d'échantillonnage du récepteur pour un débit
symboles égal à 1,024 MS/s), un rebond (entouré de
rouge) vient légèrement en deça de la valeur
souhaitée (ligne verte) et provoquera une erreur de
positionnement du point dans la constellation (voir photographie
ci-dessous). Ce rebond particulier constitue la contribution la plus
importante à l'interférence intersymboles. Les autres
points (entourés de bleu) sont très proches de la valeur
attendue. L'erreur reste cependant modeste et le modulateur est tout
à fait fonctionnel en l'état. Cependant la
particularité décrite ci-dessus suggère une piste
simple d'amélioration de l'interférence intersymboles qui
sera décrite plus bas.
L'alimentation de l'ensemble du montage s'effectue sous une
tension de 13 V continus. Le courant absorbé est de 100 mA
environ.
Une piste simple d'amélioration de
l'interférence intersymboles
Comme nous l'avons vu, la contribution majeure à
l'interférence intersymboles est due au deuxième rebond
visible sur la représentation de la réponse indicielle.
Pour neutraliser cette contribution, nous pouvons apporter une
correction en amont du filtre: Deux entrées auxiliaires I* et Q*
sont disposées sur le circuit. En sortie du circuit logique
74HC244 sont placées deux résistances de
pondération R29 et R30. Au moyen des quatre entrées I,
I*, Q et Q* nous pouvons donc sélectionner un niveau de tension
parmi quatre à appliquer à l'entrée des deux
filtres. Il sera alors possible, en anticipant le rebond, de le
neutraliser en appliquant une tension de correction. Les signaux
convenables I* et Q* seront produits par le sérialisateur
à CPLD qui génère les données.
Sur un plan plus philosophique, on peut dire qu'un filtre
conserve une certaine "mémoire" des signaux qui lui ont
été appliqués dans le passé. Un nouveau
signal appliqué viendra s'ajouter avec la "mémoire" des
précédents et le signal de sortie sera perturbé
par un bruit parasite. Au moyen de quelques bascules logiques il est
facile de conserver dans le sérialisateur qui produit les
données un historique des données passées et de
génerer le bon signal de correction qui sera
pondéré par deux résistances. On réalise,
de manière économique, une sorte de filtrage hybride
analogique et numérique. Les résultats concrets de ce
procédé expérimental seront évalués
en même temps que le nouveau sérialisateur. On peut noter
dès à présent que le coût de
l'amélioration espérée restera très modeste
au niveau matériel: deux fils et deux résistances.
Schéma électrique

schéma du modulateur QPSK
Sélection des composants
Pour un bon fonctionnement du modulateur QPSK, un
équilibre rigoureux entre les voies I et Q est fondamental. En
utilisant sans précautions des composants standard on obtient
une isolation médiocre entre les voies I et Q de l'ordre de 20
à 25 dB, ce qui est suffisant pour effectuer quelques essais sur
table, mais pas pour une transmission à grande distance. En
appairant simplement deux à deux les composants homologues des
voies I et Q, au moyen d'un ohmètre pour les résistances,
d'un capacimètre pour les condensateurs et d'un pont pour les
inductances, l'isolation grimpe facilement à 35 dB ou 40 dB,
voire plus, ce qui devient excellent. Il est inutile de rechercher
à tout prix une isolation supérieure à 40 dB car
les réglages ne peuvent alors plus être tenus dans la
durée. Le moindre changement de température par exemple
ramène l'isoation aux valeurs précitées. Les
composants qu'il faut appairer sont les résistances
définissant les amplitudes et phases des signaux LO, IF et RF,
et les composants des filtres de Nyquist. Les valeurs des autres
composants, capacités de découplage en particulier, ne
sont pas très critiques.
Circuit imprimé
Le circuit imprimé est de type "une face et demi", c'est
à dire double face avec une face servant simplement de plan de
masse. De nombreuses liaisons sont effectuées avec soin entre
les deux faces au moyen de morceaux de fils soudés de chaque
côté. Le circuit régulateur 7805 sera fixé
sur le boîtier métallique qui abritera l'ensemble et fera
office de radiateur. Le raccordement au circuit imprimé sera
réalisé avec de courts morceaux de câble souple.
Avant la mise sous tension, on contrôlera au moyen d'une loupe
l'absence de tout court-circuit entre les pistes.
télécharger le
circuit imprimé aux formats Eagle .brd et bitmap .bmp ( 60 ko
zippés)
Attention: Pour une bonne précision lors de
l'exécution, il est recommandé d'employer le source .brd
et le logiciel Eagle
(version gratuite) plutôt que le fichier .bmp.
Le circuit imprimé sera placé dans un
boîtier Schubert de 148 x 74 x 30 mm muni d'un condensateur de
traversée d'alimentation de type by-pass. Une place sera
laissée disponible pour placer ultérieurement le
sérialisateur. Enfin un connecteur DB-25 permettra la connexion
à la source de données, un port parallèle
d'ordinateur ou un boîtier contenant une EPROM.

Réglages
La phase de réglage nécessite l'emploi d'un
analyseur de spectre fonctionnant à 70 MHz. Les réglages
sont au nombre de deux et visent à assurer une quadrature
parfaite entre les deux signaux à 70 MHz attaquant les
mélangeurs I et Q sur leurs entrées LO, en même
temps qu'une égalité d'amplitude entre ces deux signaux.
Ces réglages fixent la position des points dans la
constellation. Pour ce faire nous aurons recours à un artifice.
Il est nécessaire de disposer de deux signaux logiques modulants
I et Q à 2,048 Mbit/s, soit 1,024 Mbit/s par voie,
parfaitement en quadrature. Un tel générateur de signaux
de test peut être facilement construit avec quelques circuits
logiques ou un CPLD. Cette fonctionnalité est
intégrée dans le sérialisateur à CPLD
compagnon du présent modulateur.

Le modulateur QPSK connecté sur un
petit générateur de signaux test de construction amateur
En présence du signal test quadrature avance
(respectivement quadrature retard) on visualisera le spectre du signal
de sortie du modulateur. On agira alternativement sur les deux
condensateurs CA1 et CA2 d'ajustement des deux déphasages pour
favoriser la raie à + 512 kHz (respectivement - 512 kHz) et
affaiblir la raie indésirable. La conception du montage et la
qualité des mélangeurs équilibrés SRA-1
permettent d'obtenir une réjection de porteuse supérieure
à 40 dB. Après réglage des deux condensateurs
ajustables on obtient aisément une réjection de chacune
des raies latérales indésirables supérieure
à 35 dB, voire davantage si l'on a rendu le montage bien
symétrique (cf supra)..
photographies du spectre lors du réglage
Performances
obtenues
En présence d'un signal modulant
pseudo-aléatoire, l'analyse du spectre montre que
l'énergie est concentrée dans une bande de 4MHz. C'est un
peu large pour un débit binaire de 2,048 Mbit/s ! Ceci est
la conséquence directe de la simplicité du filtrage des
signaux modulants par un filtre Butterworth du 5ème ordre. Un
filtrage complémentaire sera souhaitable en RF pour
éliminer l'énergie lointaine.

Il a été possible de connecter ce
petit modulateur QPSK sur un analyseur de modulation professionnel
paramètré avec les données de réception
DVB-S (filtrage root raised cosine, roll-off = 0,35). L'analyseur
présente donc le signal tel que pourrait le voir un
récepteur proche. Sans surprise, la constellation montre les
effets de l'interférence intersymboles, conséquence
directe de la simplicité des filtres de Nyquist employés
dans les voies I et Q. Néanmoins le diagramme de l'oeil est bien
ouvert et la pénalisation réelle en termes
d'efficacité reste très modeste. On devine que chaque
symbole est en fait représenté par quatre groupes de
points. Le dispositif de prédistorsion décrit plus haut
devrait apporter une amélioration substantielle!

Conclusion
Ce petit modulateur QPSK est peu
coûteux et simple à réaliser avec des moyens amateur.
Même si ses performances, notamment au niveau spectral et interférences
intersymboles n'atteignent pas celles des réalisations professionnelles,
on disposera avec lui d'un dispositif permettant de réaliser d'intéressantes
expérimentations de transmission de télévision numérique
à la norme DVB-S. Il sera par ailleurs intéressant de suivre
les résultats obtenus avec le procédé très simple
qui est proposé pour améliorer la performance en matière
d'interférence intersymboles. Voir à ce sujet l'article
suivant relatif à l'exciter et au sérialisateur.
Allumons nos fers à souder !