Réalisation d'un
modulateur numérique QPSK
(avec
des composants de fond de tiroir)
Introduction
La modulation QPSK, ou modulation à quatre états
de phase, a été largement utilisée depuis une trentaine
d'années en transmission de données professionnelle : modems
V26 à 2400 bits/s, faisceaux hertziens à faible capacité,
systèmes radio, voie de retour sur les réseaux de télévision
par câble, etc... C'est aujourd'hui le type de modulation retenu
par DVB pour la transmission de la télévision numérique
par satellite. La modulation QPSK présente de grandes qualités
lorsque le support de transmission est bruité. Elle conduit à
une bonne efficacité spectrale avec un rendement théorique
maximum de 2 bits/s par Hertz de bande passante. Son principe a été
décrit dans de nombreux ouvrages. Sur l'Internet, le lecteur intéressé
pourra par exemple consulter un panorama des différentes familles
de modulations numériques sur le site de Spread
Spectrum Scene, (voir le papier "Digital
modulations" qui est un exposé simplifié des différentes
modulations numériques), ou encore sur le site de Maxim, la note
d'application "QPSK
demystified" qui donne des détails sur ce type de modulation.
Il existe aujourd'hui sur le marché des circuits
intégrés spécialisés, tels que le AD8346
de Analog Devices ou bien le STQ-1016
de Sirenza Microdevices, qui réalisent directement la fonction
de modulation QPSK. Il suffit d'introduire le signal de porteuse et les
données pour obtenir en sortie un signal modulé QPSK.
La réalisation présentée ci-dessous
effectue la modulation de manière plus traditionnelle, au moyen
de composants courants, voire de récupération. La porteuse
a ici une fréquence de 65 MHz et le débit binaire transmis
est soit de 271 kbit/s soit de 2048 kbit/s suivant l'application envisagée
et le choix des filtres dans le montage.
Synoptique d'un modulateur
QPSK
Le synoptique
ci-dessous se trouve dans tous les ouvrages décrivant la modulation
à quatre états de phase. La modulation numérique
est appliquée sur deux entrées marquées I et Q. Deux
mélangeurs équilibrés reçoivent la porteuse
provenant d'un oscillateur, une entrée étant déphasée
de 90° par rapport à l'autre. Enfin les deux sorties des mélangeurs
sont additionnées pour fournir le signal de sortie.

Tout ceci peut paraître compliqué, mais les
choses deviennent beaucoup plus simples lorsque l'on sait qu'un déphaseur
peut se réaliser au moyen d'une simple résistance et d'un
condensateur, et que l'additionneur de sortie peut se résumer à
2 résistances.....
Le filtre de Nyquist
Afin de limiter la largeur de bande occupée à
l'émission, nous filtrerons le signal numérique modulant
issu des entrées I et Q avant de l'appliquer aux modulateurs équilibrés.
En effet, en l'absence de filtrage, soit au niveau des voies I et Q, soit
après modulation, le spectre est incompatible avec une transmission
par voie hertzienne.

le spectre en l'absence de filtrage
Deux filtres ont été étudiés,
pour des débits respectivement de 271 kbit/s et 2048 kbit/s. Le
filtre placé sur chaque voie I et Q d'émission doit avoir
une bande passante de 67, 7 kHz et 512 kHz à - 3dB respectivement.
La distorsion de temps de propagation de groupe dans la bande doit être
maîtrisée et nous utiliserons donc une structure de Bessel.
L'étude est réalisée grâce au logiciel gratuit
Filter Free, téléchargeable
sur l'Internet.
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filtre 271 kbit/s
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filtre 2048 kbit/s
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La phase de mise au point
A gauche la plaque d'essai cuivrée qui a servi à
la mise au point.
A droite, un premier montage raté ! Il faisait appel
à un filtre de Bessel du cinquième ordre dans les voies
I et Q (voir sur la photographie les deux paires de bobinages). A l'usage,
il est apparu bien difficile de réaliser avec des composants ordinaires
deux filtres parfaitement appairés. La différence de phase
entre les deux voies dépassait 10° à 67 kHz, ce qui
conduisait à un fonctionnement médiocre (interférences
entre voies, mauvaise réjection de la bande latérale indésirable
lors du réglage).
Autre essai non concluant: l'utilisation de circuits intégrés
MC1488 pour effectuer la commutation des diodes des mélangeurs
équilibrés. Ce circuit très répandu est utilisé
dans les ordinateurs pour effectuer la transition TTL / RS232 pour le
port série. L'idée paraîssait séduisante: une
entrée TTL, une sortie symétrique de grande amplitude! Hélas,
aux essais, les temps de basculement ne se sont pas révélés
strictement identiques dans les deux sens. Le biais ainsi introduit ne
permettait pas une isolation suffisante entre les voies I et Q.
La grande leçon des nombreux essais qui ont été
conduits est qu'il est fondamental de conserver une symétrie parfaite
entre les voies de traitement I et Q. Tout écart se traduit par
une baisse rapide des performances. Comme on le verra, cette règle
n'est pas incompatible avec l'utilisation de composants ordinaires, sous
réserve de prendre quelques précautions simples.
Réalisation

- le
schéma

L'oscillateur à 65 MHz est récupéré
sur une vieille carte d'ordinateur. Un filtre passe-bas du troisième
ordre Tchebychef, calculé avec Filter Free, élimine les
harmoniques indésirables. Le transistor BF199 Q1 monté en
collecteur commun délivre donc un signal sinusoïdal à
65 MHz, sous une faible impédance.
Le potentiomètre de 100 ohms permet d'équilibrer
les amplitudes sur les deux voies de porteuses. Au lieu de déphaser
une des deux porteuses de 90°, il est plus aisé d'en déphaser
une de + 45° et l'autre de - 45°. C'est là le rôle
des condensateurs parallèles de 47 pF et 100 pF (retard de phase)
et série de 27 pF (avance de phase). Le condensateur ajustable
de 100 pF permet d'ajuster le déphasage entre les deux voies de
porteuses à 90°, très précisément.
Les voies de modulation I et Q sont identiques. Après
une adaptation d'impédance composée de la paire de transistors
classe B, Q2 et Q3 (resp Q4 et Q5) et de la résistance de 47 ohms,
le signal modulant traverse le filtre de Nyquist dont la fréquence
de coupure est de 67,7 kHz à -3dB. Une cellule d'affaiblissement
améliore la tenue des impédances sur les accès avant
que le signal n'attaque le modulateur équilibré type SRA-1.
Le push-pull composé des transistors Q6 et Q7 fournit
une demi-tension d'alimentation, soit 2,5 V, aux modulateurs équilibrés
de manière à permettre une commutation des diodes symétrique,
au niveau de ces modulateurs.
En sortie, la sommation s'effectue au moyen des résistances
de 100 ohms et 68 ohms. Ces valeurs fournissent une adaptation correcte
des impédances sur les trois accès.
Enfin, pour améliorer la réjection du signal
de porteuse en sortie, phénomène dû aux fuites internes
aux modulateurs équilibrés, il s'est révélé
nécessaire d'effectuer un neutrodynage. Ce dernier consiste à
prélever en amont une très faible quantité de porteuse
avec l'amplitude et la phase correcte, et de l'ajouter en sortie. Le résultat
est spectaculaire: une amélioration du niveau de fuites de 20 ou
30 dB !
Téléchargez le dessin du circuit imprimé
au format Ares, QPSK.lyt (9 ko zippé)
Lors de la réalisation, on veillera à observer
une symétrie parfaite entre les voies de traitement I et Q. Le
niveau de performance en dépend ! Les composants, de qualité
ordinaire, seront appairés deux à deux, entre homologues,
au moyen d'un ohmètre pour les résistances, d'un capacimètre
pour les condensateurs. Les inductances des deux filtres de Nyquist passe-bas
sont rendues ajustables grâce à un noyau en ferrite.
Les réglages
Nous
nous sommes dotés de deux éléments de réglages
pour ajuster les amplitude et phase des deux porteuses appliquées
aux modulateurs équilibrés. Mais comment être certains
que les amplitudes sont bien égales et que les deux porteuses sont
déphasées de 90° très précisément
? La performance du montage dépend de la qualité de ces
réglages !
La réponse
à cette épineuse question est suggérée par
Minicircuits dans une
de ses notes d'application: Si nous appliquons sur les entrées
de modulation I et Q deux signaux numériques périodiques
déphasés de 90°, le spectre du signal de sortie se réduira
à une seule raie latérale, de fréquence inférieure
ou supérieure à la porteuse, suivant le sens du retard.
Construisons
donc rapidement un petit outil de réglage au moyen de trois circuits
intégrés. Deux bascules JK montées en compteur synchrone
nous garantissent une quadrature parfaite entre les deux signaux modulants
à 135 kbit/s.

Le schéma

Le circuit
imprimé:
Téléchargez le dessin du circuit imprimé
au format Ares, quadrat.lyt (5 ko zippé)
Connectons
cet outil de réglage:

A gauche
l'alimentation 5 V, au centre notre petit générateur de
réglage, à droite notre modulateur QPSK. Un inverseur permet
d'inverser les signaux I et Q, et d'observer ainsi alternativement la
raie supérieure puis la raie inférieure. On peut juger de
cette manière la qualité de l'équilibrage.
vertical: 10 dB/div, horizontal: 20 kHz/div
On visualise au centre de l'écran, la porteuse, à
gauche et à droite les deux raies latérales distantes situées
à 67 kHz de la porteuse. La raie latérale indésirable
est à -50 dB par rapport à celle qui est utile. Le réglage
est pointu et les essais en température n'ont pas été
réalisés. Ce n'est cependant pas si mal pour un truc amateur
!
Le niveau de fuite de porteuse qui peut atteindre au départ
-20dBc s'améliore très nettement au moyen du neutrodynage.
En tâtonnant - choix de la prise et valeur de l'élément
réactif série (au cas présent un condensateur de
2 pF placé au point "X") - on atteint assez facilement
un niveau de fuite inférieur à -40dBc, voire -50 dBc.
Fonctionnement
Connectons maintenant notre générateur
pseudo-aléatoire sur les entrées I et Q, et observons
à l'analyseur le spectre du signal produit:

vertical: 10 dB/div, horizontal: 200 kHz/div
Le spectre est en tout point conforme aux attentes. On observe
bien, de part et d'autre de la fréquence centrale, les zéros
pour chaque multiple de 271 / 2 = 135 kHz. Le spectre s'étale un
peu par rapport à celui d'émissions professionnelles: ceci
est la conséquence d'un choix de filtre de Nyquist simple, du troisième
ordre, dans les voies I et Q et à l'absence de filtrage ultérieur
du signal RF modulé.
Une véritable évaluation du fonctionnement
nécessite l'utilisation d'un démodulateur QPSK: ces essais
seront conduits ultérieurement. Le niveau de qualité de
l'oscillateur très économique que nous utilisons sera évalué.
Conclusion
Ces
essais montrent qu'il est tout à fait possible au niveau amateur
de réaliser un modulateur numérique au moyen de quelques
composants courants et peu coûteux. Un analyseur de spectre n'est
nécessaire que pendant la courte phase de réglage. Avec
un peu de soin dans la réalisation, le niveau de performance atteint
est tout à fait honorable.
On dispose
alors du coeur d'un émetteur de signaux numériques. La porteuse
à 65 MHz qui est modulée peut ensuite être facilement
transposée de manière traditionnelle à la fréquence
de son choix, au moyen de simples mélangeurs et fitres.
allumons
nos fers à souder !